Le pouvoir a les nerfs à vif
Officiellement, les membres du gouvernement et les principaux conseillers du président font bloc avec leurs collègues des Affaires étrangères et de l’Information : ils exigent d’une même voix que les autorités congolaises soient traitées avec respect. Cependant, dans les coulisses, des craintes s’expriment : même s’il a raison sur le plan des principes, le Congo a-t-il les moyens d’un tel exercice de musculation ? L’émission de « notes verbales » était-elle vraiment nécessaire là un coup de fil aurait peut-être suffi à aplanir les malentendus ? D’autant qu’en accablant De Gucht, c’est, à travers lui, l’Union européenne qui se trouve offensée, et cela alors que bon an mal an, l’aide de l’Union au Congo s’élève à un milliard d’euros !
Alors que le Congo n’en est qu’à ses premiers pas sur la voie de la reconstruction, ses dirigeants pèchent peut-être par excès d’optimisme : dans toute la ville, de grands panneaux consacrés aux « 5 chantiers » montrent des images d’autoroutes, de stations satellites, d’immeubles ambitieux, comme si le travail était déjà terminé.
En réalité, il ne fait que commencer et d’aucuns redoutent qu’une brouille avec les Occidentaux ne fasse reculer plus loin encore le fameux « point d’achèvement » qui permettra une remise de 90 % de la dette. « Jusqu’en mai prochain, nous sommes en période probatoire, s’exclame She Okitundu, ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat, nous n’avons pas intérêt à nous brouiller avec des pays membres du Club de Paris, les principaux créanciers du pays… »
En réalité, les incidents diplomatiques ou les politiques de la chaise vide se multiplient. La société civile se montre ainsi extrêmement déçue de l’absence du président au sommet de Copenhague, alors que la RDC, l’un des poumons de la planète, aurait dû exiger des compensations pour la préservation de la forêt tropicale. Les engagements financiers obtenus par le ministre de l’Environnement José Endundo apparaissent insuffisants et les militants congolais estiment que leur pays n’a pas occupé la place qui devait lui revenir…
A quelques mois de la célébration de l’anniversaire de l’indépendance, les malentendus se multiplient donc entre Kinshasa et la communauté internationale. Même la visite de Bernard Kouchner n’a pas suffi à mettre un baume sur l’amour-propre des dirigeants : ils ont relevé que le ministre français des Affaires étrangères venait de Kigali où il avait scellé avec éclat la normalisation des relations diplomatiques, et qu’en route pour Brazzaville, Kinshasa n’avait représenté pour lui qu’une escale de quelques heures…
« A un an de 2011 et des élections qui se profilent, nous sommes dans l’ultime ligne droite et n’avons pas droit à l’erreur », insiste She Okitundu.
Oserait-on ajouter que le Congo de Kabila n’est pas celui de Mobutu, et que l’arrogance doit être rangée aux oubliettes ?