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BANA CONGO
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14 janvier 2007

LE TESTAMENT DE FREDERIC ETSOU

« Nous pasteurs de Dieu avons une mission délicate et difficile : celle d’être serviteurs (…) de la Vérité et non du mensonge ». « Notre prise de position en tout moment doit être en faveur du peuple de Dieu ». « Ouvrons les yeux dans nos diocèses pour voir la misère de notre peuple ; ouvrons nos cœurs devant plus de 4 millions de Congolais tués par la guerre inutile d’occupation, guerre qui a généré et continue encore à générer la faim et les maladies et la division des familles, pendant qu’elle a servi a tous les belligérants pour s’enrichir et vendre le pays aux étrangers». Ces passages sont tirés de la lettre que le cardinal Frédéric Etsou-Nzabi-Bamungwabi a adressée aux membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) en date du 30 novembre 2006. Un mois avant son décès. Ce texte prend aujourd’hui le relief d’un testament ; un hymne à la compassion et à l’amour de la patrie.  C’est une interpellation qui ne s’adresse pas qu’aux hommes en soutane. Tout Congolais doit se sentir concerné par les valeurs qui y sont énoncées. Le cardinal Etsou est mort. Comme tout être humain, il n’était ni totalement « blanc » ni totalement « noir ». Il reste que par ses dernières prises de position sur la situation politico-sociale dans son pays, le défunt prélat lègue à ses concitoyens une base doctrinaire suffisante pour vivifier le combat pour l’avènement en RD Congo d’un Etat de droit respectueux de la vie et de la dignité de la personne humaine. Il en est de même de l’avènement d’un pouvoir politique vertueux. Rassembleur. Un pouvoir politique impulseur du progrès économique et social. C’est un secret de polichinelle que d’affirmer que Frédéric Etsou quitte la terre de ses ancêtres avec le profond sentiment que l’élection présidentielle n’a pas été transparente. Encore moins libre. L’absence de liesse populaire après l’annonce des résultats donnés par la Commission électorale indépendante montre bien qu’il s’agit d’un sentiment partagé par une importante partie de la population. A l’instar de ses concitoyens, Etsou escomptait un changement fort à la tête du pays afin que les filles et fils de l’espace appelé Congo ferment à jamais le douloureux chapitre de deux guerres stupides qui ont ensanglanté leur pays. Pour rien. Deux guerres conçues et exécutées par des étrangers. Dans le message adressé à la CENCO, Etsou met l’accent sur cinq principes : l’unité, la cohésion, la solidarité, la justice et la paix.  « Nous devons fermement condamner la logique dans laquelle la communauté internationale – avec la complicité de quelques Congolais nous a enfermés, logique selon laquelle l’Est appartiendrait à Joseph Kabila et l’Ouest à Jean-Pierre Bemba », note-t-il. Il met également l’accent sur l’indépendance nationale qui est en péril. « Nous sommes déjà un peuple néo-colonisé, un territoire sous-tutelle… ». La présence de plusieurs centaines de milliers de Kinoises et Kinois venus rendre un dernier hommage à la dépouille mortelle du cardinal – tant sur la route de l’aéroport de Ndjili qu’au cathédrale Sainte-Marie où le corps est exposé avant l’inhumation prévue lundi 15 janvier – est une cinglante réponse à un certain média proche de la Présidence de la République qui a littéralement craché sur la « tombe » de l’illustre disparu. Au motif que celui-ci s’est créé beaucoup d’« inimitiés » pour avoir eu « l’envie bien humaine de s’immiscer dans les affaires laïques ». Le même organe de presse – qui se reconnaîtra – s’est d’ailleurs contredit en reprochant au feu cardinal de s’être tu lors de la sanglante marche de Chrétiens du 16 février 1992. Devrait-on conclure, dans cette logique, que le prélat catholique devait dénoncer les errements du régime de Mobutu Sese Seko tout en taisant ceux de Joseph Kabila ? Le plus étrange est que les journalistes qui tiennent ce discours anachronique sont les mêmes qui ont contribué jadis à la « déification » du « Grand Léopard ». Ils ont simplement changé de « père nourricier ». Qui a bu boira. Peut-on honnêtement reprocher au pouvoir spirituel d’interpeller les détenteurs du pouvoir temporel alors que la faillite est patente et que les autres contre-pouvoirs (partis, presse, syndicats, monde libérale) sont muselés ? De 1965 à 1990, des Zaïro-Congolais ont chanté et dansé pour la gloire de Mobutu. Avec l’avènement du pluralisme politique le 24 avril 1990, d’aucuns croyaient cette époque révolue. Erreur. Il apparaît que les « danseurs mobutistes » ont été remplacés par des « danseurs kabilistes ». Jusqu’à quand va-t-on continuer à ne pas tirer les enseignements de l’Histoire ? On le voit, aucune dictature ne peut être viable sans la complicité de la population…    

B. Amba Wetshi

© Congoindependant.com 2007

 

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